À la lecture des premières pages de The Art And Business Of Online Writing, je suis déjà en profond désaccord avec l’auteur, Nicolas Cole. Pourtant, je ne peux m’arrêter de lire. Mes yeux accélèrent. Le suspens est presque insoutenable. Je dois bien le reconnaître, j’admire son style d’écriture, c’est fluide, les idées sont brillamment présentées.
Je poursuis ma lecture au début malgré moi, puis finalement, avec une grande attention, car j’y trouve des réponses à des questions que je ne me posais même pas jusque-là. Ces interrogations étaient enfouies en moi, je n’assumais pas.
Ce livre aborde de nombreux sujets qui ont amené beaucoup de questionnement chez moi. Pour cet article, j’ai décidé d’en sélectionner un en particulier : la création d’un blog personnel lorsqu’on est rédacteur/écrivain/auteur.
Selon Nicolas Cole, la pire chose à faire quand on souhaite devenir visible en ligne en tant que rédacteur/écrivain/auteur serait de créer un blog. Plutôt contre intuitif, non ?
Plus profonde que juste la question du blog, la réflexion touche aux ambitions que l’on poursuit avec son écriture sur le web.
Alors faut-il ou ne faut-il pas lancer son blog lorsqu’on est rédacteur web ?
Nicolas Cole nous dit… Lancer son propre blog est la pire stratégie pour devenir reconnu dans son domaine, allez plutôt sur les réseaux sociaux
Selon Nicolas Cole, pour gagner en visibilité, vous devez aller sur les plateformes où sont les gens, où le trafic est déjà présent. En France, en 2023, cela signifie être sur LinkedIn et Twitter.
Ainsi, vous devez apprendre le fonctionnement de l’algorithme, chercher à maîtriser les codes de la plateforme, puis jouer le jeu afin de devenir viral (aka faire des posts à plusieurs centaines de milliers de vues).
De cette manière, vous vous faites connaître et vous gagnez en crédibilité au fur et à mesure que votre nombre de vues et d’abonnés augmente.
Nicolas Cole argumente qu’avoir un blog est uniquement intéressant si vous vendez un produit (business model e-commerce), ou si vous souhaitez devenir un média (business model publicitaire). Mais, dans ces deux cas, vous ne serez pas reconnu en tant qu’auteur.
Et c’est cet argument qui a attiré mon attention. Il est vrai qu’un blog qui fait beaucoup de vues (plusieurs dizaines voire centaines de milliers de visites par mois) est rarement personnifié. C’est souvent un blog qui est construit spécialement pour le SEO, avec des articles sans âme qui répondent à des questions précises des internautes.
Les lecteurs qui arrivent sur ce blog se moquent de savoir qui écrit l’article. Ils cherchent la réponse à leur question, c’est tout.
Dans mon cas, je veux compter. Je veux que les gens viennent me lire, moi. Pas juste un article en passant. Je veux que mon audience apprécie mes articles et ait envie de revenir pour les sujets que je traite et pour la manière dont je les traite.
Donc selon Nicolas Cole, je devrais plutôt me concentrer sur la création d’une audience sur une plateforme sociale. Car en fait, même si vous avez un blog, ce qui compte pour les gens c’est de savoir ce que valent vos écrits aux yeux des autres personnes.
En clair, un réseau avec un nombre d’abonnés visible donne la valorisation de vos écrits aux yeux du monde : si vous avez beaucoup d’abonnés, c’est forcément que vous dites des choses intéressantes.
C’est triste à dire, mais c’est la réalité. Prenez deux minutes pour y réfléchir. Lorsque vous tombez sur un profil LinkedIn à 50 000+ abonnés, vous vous dites “cette personne sait de quoi elle parle, elle est appréciée, sa parole a de la valeur.”
C’est pour la même raison que l’on voit de plus en plus apparaître le nombre d’abonnés au début des newsletters des créateurs. Vous savez le fameux “Bienvenue aux nouveaux 120 abonnés ce mois-ci, on est désormais 12 456. Merci d’être là ❤️”. En réalité, cette phrase a pour seul but de valider votre idée que lire cette newsletter est une bonne chose, puisque 12 456 personnes la lisent aussi.
C’est le biais de preuve sociale : si beaucoup de personnes le font, alors c’est forcément une bonne chose.
C’est la raison pour laquelle il est plus avantageux selon Nicolas Cole d’écrire sur un réseau social que sur votre plateforme privée. En plus du fait bien sûr que beaucoup de gens sont déjà présents sur les réseaux sociaux à la différence de votre blog/newsletter personnel que personne ne connaît (au début).
Mais ne pas avoir son espace personnel sur internet pose problème selon moi
Tout au long du livre, Nicolas Cole nous pousse à nous questionner sur ce que l’on cherche à atteindre avec notre écriture. Si vous voulez faire du e-commerce (vendre vos produits) ou monétiser avec de la publicité, alors faites un blog.
Mais si vous voulez être reconnu pour vous, pour votre écriture, alors non.
Le premier problème est le plus évident : sur un réseau social, vous n’êtes que locataire. Du jour au lendemain, votre compte peut être bloqué, le réseau peut fermer, les règles de l’algorithme peuvent changer et vous disparaissez.
C’est la première raison qui m’a poussé à lancer mes deux blogs.
D’autre part, sur un réseau social, vous êtes noyé au milieu des autres créateurs. Il y a beaucoup de bruit. Même s’ils vous apprécient, vos abonnés ne voient pas forcément passer tous vos posts.
C’est pourquoi il est essentiel selon moi d’avoir votre propre espace : un blog et/ou une newsletter.
La newsletter permet de parler directement à votre audience, d’être régulièrement dans sa boîte mail. Quel lien numérique plus intime existe-t-il ? Aucun.
Et voici le contre-argument majeur de la thèse de Nicolas Cole. Je vois l’exemple de plusieurs créateurs de contenu français qui ont réussi à développer leur audience sur un réseau social ET sur leur newsletter personnelle*. Ils ont développé leur personal branding a un niveau tel que les gens sont prêts à sortir du réseau social pour aller consommer leur contenu, découvrir leurs idées.
Thibault Louis et Maud Alavès sont les deux premiers exemples auxquels je pense, mais il y en a d’autres. Chacun sur leur sujet, ils sont devenus des références. Ils utilisent les réseaux sociaux, en particulier LinkedIn, pour devenir viraux, se faire connaître, faire grandir leur audience et gagner en crédibilité.
Puis, ils s’assurent de convertir cette audience sur un médium dont ils sont propriétaires : leur newsletter.
Si demain LinkedIn disparaît, ils auront toujours leurs dizaines de milliers d’abonnés privés.
Bien sûr, toute leur production de contenu a vocation à promouvoir leurs services de ghostwriter pour Thibault et de coach en personal branding pour Maud. Mais ils ont développé leur audience à un niveau supérieur : en plus de leurs clients, leur notoriété leur permet également d’autres sources de revenus (sponsoring, vente d’e-book, vente de bootcamp ou formations…).
Ils sont devenus leur propre média.
Selon moi, c’est au croisement des trois approches que Nicolas Cole met en opposition. Pour lui, soit vous voulez être reconnu pour votre écriture, soit vous voulez être un média et donc monétiser par de la publicité, soit vous voulez être un e-commerce. Mais il existe une quatrième option : le mélange des trois.
Thibault et Maud dégagent des revenus parce que 1/ ils sont reconnus pour leur écriture, et 2/ ils ont une audience suffisante pour la monétiser.
C’est un cercle vertueux. L’un ne va pas sans l’autre. Ils n’auraient pas développé une audience assez large pour être monétisée s’ils n’étaient pas reconnus pour leur écriture.
Ils sont devenus reconnus pour leur écriture grâce à un réseau social. Mais ils n’auraient pas pu monétiser leur audience s’ils n’avaient pas leur propre plateforme (newsletter).
Alors, cher Nicolas Colas, que fait-on avec ce nouveau modèle ?
Ce nouveau modèle est celui du solopreneur.
Le solopreneur a besoin d’être reconnu dans son domaine pour tirer des revenus de diverses sources. Il a construit sa flywheel**. C’est un concept qui mériterait un article à lui tout seul. Pour rester dans la thèse de cet article-ci, je pense qu’avoir son espace privé est essentiel lorsqu’on cherche à construire ce type de business modèle.
Vous devez donc construire cet espace le plus tôt possible, même si vous ne savez pas exactement quelle direction vous souhaitez prendre. Avoir votre propre espace ne peut être que bénéfique.
Ma conclusion : Oui, il faut créer un blog.
Pour conclure sur le sujet, oui, les arguments de Nicolas Cole sont pertinents. Il est évident que créer un blog dans votre coin ne vous apportera ni gloire ni clients. Donc, il faut jouer le jeu des réseaux sociaux.
Mais jouer seulement le jeu des réseaux sociaux est dangereux et court-termiste. Vous devez chercher à convertir votre audience vers votre plateforme privée et créer un lien direct et intime avec elle. Le blog ou la newsletter vous permet petit à petit de construire votre espace personnel sur internet où votre audience pourra vous retrouver quoiqu’il arrive.
*Ces newsletters sont le plus souvent hébergées sur Substack, ce qui présente l’avantage d’avoir toutes les éditions passées accessibles. C’est un peu comme un blog finalement.
** Un éco-système de produits/services qui se complètent les uns les autres. Une illustration populaire est celle de Disney, dessinée par Walt Disney en 1957, très bien expliquée dans ce réel d’Alexis Minchella.
NB : Le livre de Nicolas Cole a été life changing pour moi de bien des façons. J’ai choisi d’explorer un thème dans cet article, car le but n’était pas d’écrire un essai. Je vous encourage fortement à le lire et à vous faire votre propre opinion. Voici quelques highlights que j’ai particulièrement appréciés :
“In your first six months of writing online, you should be less concerned with “establishing” yourself and more focused on “discovering” yourself.”
“What a lot of people don’t realize is that each one of these “achievements” is nothing more than a step along the journey. Just one single step.”
“Being a writer is not a destination.”
“You don’t become a writer by reading other writers. You become a writer by writing—a lot.”
“The goal of any story should be to move a reader’s eyes along the page so quickly that before they can even think to themselves, “Do I want to read this?” they’re already off and running.”