Il y a un peu plus d’un an, lorsque je me lance en freelance, j’ai déjà consommé beaucoup de contenu sur le sujet. Tous arrivent plus ou moins à la même conclusion : pour réussir en freelance, il faut se spécialiser.
Alors, en bonne élève, j’essaie de trouver un axe sur lequel développer mon activité.
Mais, force est de constater un an plus tard que j’ai échoué. Je travaille sur des projets plutôt variés, j’écris des articles de styles différents sur diverses thématiques. Souvent un article SEO, régulièrement un article journalistique et parfois un essai.
Je n’ai pas trouvé ma spécialisation.
Et si cela m’a posé problème pendant un moment, aujourd’hui, j’ai décidé de l’assumer et d’en faire une force.
Je ne serai jamais une spécialiste. Et, oh surprise ! Je suis loin d’être la seule.
Nombreux seront les coachs business à vous dire que j’ai tort, que votre business est voué à l’échec si vous ne trouvez pas la petite case dans laquelle entrer.
Les deux approches ont leurs pour et leurs contre. Je vous propose de réfléchir à la question avec moi le temps de cet article. J’expose d’abord quelques arguments en faveur de chaque camp, avant de trancher la question.
Alors, doit-on vraiment être spécialiste pour réussir en freelance ?
Rester généraliste pour tester, se nourrir intellectuellement et s’adapter
L’approche généraliste consiste à s’intéresser à plusieurs domaines. Que cela soit en simultané ou les uns à la suite des autres, cela nous pousse à développer sans cesse nos connaissances et nos compétences.
Le généraliste a une curiosité, une soif intellectuelle difficile à étancher. Et c’est cela qui fait sa force. Même si ce n’est pas son expertise, le généraliste a souvent des connaissances basiques sur les domaines qui entourent son champ de compétences.
Par exemple, je suis rédactrice web, je consacre l’essentiel de mon temps à écrire des articles de blog ou des pages de sites web. J’ai aussi une maîtrise relative des réseaux sociaux et j’ai déjà créé plusieurs sites web avec WordPress.
Je ne vends pas d’accompagnement sur les réseaux ou de création de sites WordPress. Tout simplement, car je ne maîtrise pas assez ces deux domaines et il ne m’intéresse pas plus que ça.
Par contre, je suis en mesure de conseiller mes clients plus loin que juste la stratégie éditoriale que nous mettons en place pour leur blog. Je comprends les enjeux des réseaux sociaux et je peux donc insérer ma stratégie de contenu à l’intérieur.
Je propose aussi l’intégration des textes dans WordPress. Une option particulièrement appréciée par certains clients qui recherchent une prestation clé en main.
Ma curiosité m’a ouverte à ces univers annexes à mon expertise qu’est la rédaction et c’est une force au quotidien.
Adopter une approche généraliste permet de tester de nouvelles choses, sans cesse, pour trouver sa voie.
Je n’aime pas ce concept, tout simplement, car je suis convaincue qu’il n’existe pas UNE voie, mais que la vie est une succession d’expériences.
Pourtant, lorsqu’on se lance en freelance, il faut bien savoir dans quel domaine nous allons proposer nos services. Cela est plus ou moins évident en fonction de ses expériences précédentes.
Si vous quittez un job salarié pour faire la même chose en freelance, la question pose peu de problèmes. En revanche, lorsque c’est le fruit d’une reconversion professionnelle, elle peut être sans fin.
Quelle typologie de clients voulez-vous cibler ? Quel secteur d’activité ? Voulez-vous faire de l’exécution ou de la stratégie ?
Des questions qui peuvent empêcher de se lancer : “je ne peux pas prospecter, car je ne sais pas qui est ma cible idéale”, “je ne peux pas communiquer sur LinkedIn, car je ne sais pas à qui je parle”.
Et rapidement, trois mois plus tard, vous êtes toujours en train de réfléchir à votre positionnement, votre offre, votre cible, sans avoir réalisé aucune mission.
Se lancer sans tout ça permet de faire et de débroussailler en chemin.
Je me suis lancée sans avoir aucune réponse à ses questions, et pourtant un an plus tard, je vais bien et mon business aussi.
Au début, j’ai saisi les opportunités et accepté toutes les missions. J’ai commencé par travailler avec une agence web. J’ai détesté.
J’ai aussi travaillé avec un grand groupe de presse. Il payait bien et sur le papier, c’était prestigieux de mettre leur nom dans mon portfolio. Pourtant, je n’ai pas apprécié et j’ai mis fin à la collaboration.
J’ai aussi collaboré sur un projet depuis le début jusqu’à la mise en ligne du site. Mon client m’a sollicité pour des conseils sur la stratégie et était à l’écoute. Il a fait reposer toute la stratégie de son site web, une grosse partie de sa stratégie marketing, sur mes épaules. J’ai adoré.
Alors voilà, après quelques mois, je sais ce que je ne veux pas, et j’ai déjà une meilleure idée de ce que je veux.
Cela a été possible, car j’ai gardé une ouverture pour tous les projets qui se présentaient à moi. Je n’ai pas fermé de portes sous prétexte que “ce client ne rentre pas dans ma cible”. Et c’est toujours le cas aujourd’hui.
Je ne veux pas me mettre dans une case.
À l’ère du numérique, l’approche généraliste est selon moi la seule qui permette de survivre.
Les générations précédentes, celles de mes parents et de mes grands-parents vivaient sur un modèle très simple : ils allaient à l’école, apprenaient un métier, trouvaient un CDI dans ce domaine et restaient dans l’entreprise jusqu’à leur retraite.
Ce modèle ne fonctionne plus.
Il ne sert à rien de lutter contre ce constat, de se dire “c’était mieux avant, c’est plus dur maintenant”.
Non. Il faut simplement s’adapter et vivre avec notre réalité.
Mon métier n’existait pas il y a dix ans et n‘existera sûrement plus dans dix ans. Alors, que puis-je faire pour être toujours compétitive quand ce moment viendra ?
En gardant l’esprit ouvert, en nourrissant ma curiosité et en m’intéressant à d’autres domaines que mon domaine de prédilection, je plante des graines qui pourront être récoltées dans le futur.
Mais, évidemment, être spécialiste présente des avantages
Bien sûr, si autant de personnes défendent l’approche spécialiste, c’est qu’elle a fait ses preuves.
Se spécialiser signifie créer des modèles qui seront de plus en plus faciles à reproduire. Lorsqu’on fait encore et encore les mêmes tâches, on devient meilleur. On ne réfléchit plus à cette tâche, on l’exécute.
Sur le moyen/long terme, cette approche semble la plus cohérente à adopter.
D’ailleurs, j’en fais rapidement l’expérience au début de mon aventure freelance. Je travaille alors avec un client depuis plusieurs mois, j’écris des articles de blog sur trois thématiques. Au début, ces sujets me sont étrangers, il me faut un certain temps de recherches avant d’écrire. Deux heures sont nécessaires pour produire un article.
Après quelques mois, je maîtrise les sujets. Mes temps de recherches sont considérablement réduits, une heure suffit à écrire un article.
En quelques mois, j’ai divisé mon temps de travail par deux, pourtant je facture toujours le même montant.
Difficile de donner un argument plus en faveur de l’approche spécialiste… Vous devenez plus rentable, plus vite.
D’autre part, se spécialiser permet aussi de venir en top-of-mind de son client idéal.
Ainsi, les gourous de LinkedIn vous expliquent que les prospects vous identifient sur une thématique précise et que lorsqu’ils ont besoin de cette compétence, alors ils viennent naturellement vers vous.
C’est une vision qui a fait ses preuves. Évidemment, lorsque vous avez besoin d’une opération du cœur, vous voulez un chirurgien cardiaque, et lorsque vous avez un problème de dent, vous allez chez le dentiste.
Alors, d’un point de vue marketing, cela fonctionnerait de la même manière.
Par exemple, si je souhaite savoir comment devenir copywriter, je vais m’adresser à Nina Ramen, queen du copywriting et si je souhaite développer mon personal branding, je ferai appel à Maud Alavès.
Elles ont toutes deux construit une marque personnelle très forte autour de leur spécialité. Si bien qu’elles sont identifiées à leur thématique. Les clients viennent à elles, sans qu’elles aient besoin de lever le petit doigt. (C’est faux, elles doivent travailler dur pour entretenir cette image.)
Être identifié sur une thématique vous permet d’être reconnu comme un expert et donc d’attirer à vous des opportunités business plus facilement.
Un débat sans bonne réponse
J’imagine qu’après ces deux parties, vous êtes un peu perdu. Devez-vous adopter une approche généraliste ou spécialiste si vous voulez réussir votre aventure freelance ?!
Eh bien, après avoir réfléchi longuement à cette question, ma conclusion est la suivante : ça dépend.
Je sais, ça ne vous aide pas vraiment. Voyons donc, pourquoi ça dépend.
Alexis Minchella, créateur de Tribu Indé et auteur du livre Freelance, l’aventure dont vous êtes le héros, avance une théorie très importante selon moi. Le débat entre généraliste et spécialiste dépend de notre cible : plus celle-ci est consciente de son problème, plus elle cherchera un spécialiste pour le résoudre. Au contraire, si elle ne comprend pas ce qui la bloque, elle cherchera un profil généraliste.
La question est donc : à qui souhaitez-vous vous adresser ?
Par exemple, un de mes clients, une agence web, cherchait précisément une rédactrice SEO avec des compétences en marketing du tourisme (il se trouve que j’ai aussi un bachelor Tourisme).
Une agence web est généralement très consciente de sa problématique. Ils ont une vue d’ensemble de la stratégie marketing du client final et une expertise globale dans le domaine du marketing qui leur permet de savoir exactement le profil de freelance dont ils ont besoin.
En l’occurrence, ce client travaille avec moi spécifiquement, car j’ai ses deux compétences – rédaction SEO et marketing du tourisme – qui sont importantes pour lui.
Mais ça ne dépend pas seulement de notre cible. Selon moi, l’élément le plus important à prendre en compte pour faire votre choix entre spécialiste et généraliste, c’est VOUS.
Certains profils seront profondément malheureux en cherchant à se spécialiser. C’est le cas des multpotentiels.
Emilie Wapnick, dans son livre How to be everything, définit une personne multipotentielle comme “someone with many interests and creative pursuits”.
Ces personnes ont une tendance à s’ennuyer rapidement et changent d’activité régulièrement. Elles créent de nouvelles choses et résolvent des problèmes complexes et multidimensionnels grâce à des idées innovantes qui sortent du cadre. Leurs connaissances dans des domaines multiples leur permettent souvent de faire le lien entre les domaines et de trouver des solutions plus créatives et efficaces.
Selon elle, il n’y a pas un choix meilleur qu’un autre. “Specialists and generalists are both valuable and necessary; it just depends on the context.”
Se spécialiser ou non en freelance dépend donc de votre profil d’abord, c’est en fonction de celui-ci que vous ferez votre choix ensuite de votre cible client.
Ne laissez pas la pression sociale décider pour vous
Généraliste ou spécialiste, le débat pourrait être sans fin. Nous l’avons vu, chaque approche présente ses avantages.
Faire le choix de la spécialisation ne devrait pas être le résultat d’une pression sociale, mais de votre profil et de vos envies profondes.
Se spécialiser à tout prix alors que vous avez une forte tendance à changer de projets régulièrement ou même à en mener plusieurs de front, vous mènera vers l’ennui et la démotivation.
Vous pouvez réussir en freelance sans emprunter la voie de la spécialisation.
Écoutez-vous, testez, échouez et recommencez.
Lorsqu’on cesse de lutter contre sa nature profonde, de belles choses se produisent. Qu’allez-vous décider de faire, suivre votre intuition ou subir les diktats de la société (aka LinkedIn) ?